Les fideles du site du NEP, s’ils sont comme tous à gauche attristés par les résultats de l’élection européenne, n’en auront pas été surpris. Ils étaient avertis. Le scrutin du 7 juin confirme autant les analyses que les choix politiques du NEP.
Dès le 9 décembre 2008, le jour où notre Espace était lancé, son président fondateur, Robert Hue, indiquait devant les journalistes : « L’offre d’alternative fait défaut. Le choix se resserre entre le pire et le moins pire.
On vote par défaut. Quand on vote ! ». Et il ajoutait : « La gauche française demeure, structurellement et idéologiquement, dans le sillage du monde qui l’a vu naître et qui n’est plus. Ses structures partisanes et mentales, héritées du début du XXe siècle et des années de guerre froide, ne correspondent plus aux exigences contemporaines. Elle est en outre divisée, dispersée, coupée du mouvement social, et surtout, minoritaire dans le pays. J’en suis venu à la conviction qu’il fallait à la gauche, à toute la gauche, un nouveau mode de penser. Qu’il lui fallait une architecture politico-sociale qui dépasse les constructions partisanes d’aujourd’hui, les « constructions » électoralistes éphémères, ou les OPA sur les électorats réciproques ».
Trois mois plus tard, dans une tribune publié par Le Monde du 20 mars 2008 sous le titre « L’urgence d’une révolution progressiste », Robert Hue soulignait que la gauche avait besoin d’ « un renversement de la perspective, [d’] un nouveau mode de penser ». « Il lui faut se (re)construire par en bas, écrivait-il. La transversalité doit se substituer à la verticalité, pour permettre de rassembler et de mettre en mouvement les énergies et les intelligences qui habitent le « peuple de gauche ». Pour permettre d’élaborer un projet de transformation sociale progressiste, en rupture avec les dogmatismes du passé, hors de toute abstraction, dans la réalité du mouvement lui-même. Un projet qui rende aux forces du travail et de la création, et notamment à la jeunesse, comme une envie de politique ».
Le « choc » du 7 juin délie aujourd’hui les langues. Bien des commentaires à gauche convergent avec les idées exprimées par Robert Hue il y a plussieurs mois. Et cette convergence permet d’espérer qu’une réelle révolution permette enfin à la gauche de sortir de l’ornière, de retrouver le contact avec le pays réel, les forces sociales et intellectuelles qui font aujourd’hui les frais de la crise et de la politique de Sarkozy.
Celui-ci fanfaronne. C’est vrai, son parti sort vainqueur de l’élection européenne, avec plus de dix points d’avance sur le PS qui fait jeu égal ou presque avec Europe Ecologie. Mais 28 % est-ce le score attendu d’une « majorité » présidentielle ? L’Elysée « pèse » aujourd’hui 10,83% des inscrits ! La gauche toute entière ne dépasse cependant pas les 17,45 %.
Tout est là dans ces chiffres : la crise politique ; la défiance montante à l’égard du système partisan ; l’écart entre ceux qui veulent bouffer bio et ceux qui veulent bouffer, tout simplement bouffer ! Ce sont ceux là qui se sont abstenus. Non par indifférence mais par choix. Un choix politique : ils ne trouvent pas le projet dans lequel ils puissent croire sincèrement et pour lequel ils peuvent s’engager. Certains, sans doute beaucoup d’entre eux, se sont retrouvés dans les puissantes manifestations de l’hiver et du début du printemps. Pourquoi ne sont-ils pas allés voter ? Question cruciale pour la gauche sociale et la gauche politique. N’est-il pas temps, qu’elles repensent leurs relations, leur complémentarité, leur efficacité. N’y a-t-il pas un parallèle entre les petits 17, 45 % des électeurs inscrits que représente la gauche politique et les pauvres 8% de syndiqués que totalisent tous les syndicats réunis ?
Si les écologistes avec 2 802 950voix et 16,28 % (1 009 976 voix et 05,88 % en 2004) tirent leur épingle du jeu, il reste à analyser les motivations précises de ce vote. Tout indique qu’il a bénéficié d’importants transferts dans l’électorat socialiste. Le PS avec 2 837 674 suffrages et 16,48 % perd 2 123 000 voix et 12,42 % sur 2004 (rappelons qu’il obtenait 6 432 544 voix aux législatives de 2007 après la victoire de Sarkozy à la présidentielle). Certains dirigeants socialistes en viennent à évoquer un « déclin » de leur parti sur le mode de celui que connaît le PCF. Car celui-ci ne paraît pas l’enrayer. Le Front de gauche – PCF, La Gauche de Mélenchon, la fraction du NPA de Piquet et quelques autres soutiens – totalise 1 041 755 voix soit 6,05. Le PCF seul obtenait, en 2004, 1 009 976 voix et 05,88 %. Le « Front » gagne moins de 32 000 voix sur 2004 ; il en perd plus de 154 000 sur le scrutin de 1999 où la liste « Bouge l’Europe ! » atteignait 1 196 310 voix et 6,78 %. Le NPA, enfin, avec 840 713 voix et 4,88 % rate complètement son pari. Il ne franchit pas le seuil des 5% , reste derrière le Front de gauche et ne bénéficie pas de ce qu’avait escompté Besancenot : une traduction de la colère ouvrière et des mobilisations étudiantes dans les urnes, à son profit.
L’échec des uns et des autres ne peut nous réjouir et si le relatif succès des écologistes pourrait être un lot de consolation, la confusion des motivations qui l’entoure ne paraît pas lui assurer un développement durable. L’échec global de la gauche, c’est encore une fis le peuple qui le paye !
C’est donc toute la gauche qu’il faut reconstruire ou, plutôt, une nouvelle gauche, un nouveau progressisme qu’il nous faut imaginer et réaliser. La gauche a beaucoup à entreprendre. Les appareils, par nature, sont trop conservateurs, trop prisonniers de cultures devenues pour partie obsolètes, trop jaloux de leurs prérogatives pour impulser une dynamique nouvelle, élaborer un projet progressiste novateur. C’est dans l’unité, dans la solidarité, que les millions de femmes et d’hommes convaincus qu’une autre gauche est possible, doivent bâtir une construction politique qui sache, sans renier l’héritage du socialisme historique français, dessiner le projet concret d’une société en émancipation.
C’est là le fondement du NEP. L’avenir commence maintenant !