Lors de la séance des questions au gouvernement du mardi 12 novembre, Jean-Noël Carpentier a interrogé le Premier Ministre sur le climat politique tendu dans le pays et lui a demandé comment le gouvernement entendait lutter pour faire reculer les actes racistes dans le pays. En réponse, le Premier Ministre, Jean-Marc Ayrault, a notamment appelé au sursaut citoyen dans une période difficile pour la France.
M. Jean-Noël Carpentier. Avant de poser ma question, monsieur le président, je tiens à exprimer au nom du groupe RRDP notre profonde tristesse suite aux incidents qui ont émaillé les cérémonies du 11 novembre. Nous appelons à la retenue et au respect de la mémoire nationale. (Applaudissements sur tous les bancs.)
Monsieur le Premier ministre, le climat politique se tend. Après les insultes proférées à l’encontre de la garde des sceaux, à qui nous avons exprimé notre soutien la semaine passée, le journal Le Parisienfaisait il y a quelques jours sa une de la question suivante : « La France devient-elle raciste ? ».
Hélas, ces constatations des médias expriment un malaise difficile à entendre pour notre République. Pourtant, les faits sont là et ils sont têtus ! D’après la Commission nationale consultative des droits de l’homme, les actes racistes ont augmenté en 2012 et s’accroissent encore cette année. On le sait : la crise, la pauvreté et l’angoisse du lendemain bousculent les consciences, au risque d’alimenter le repli sur soi et la peur de l’autre.
La France n’est pas raciste bien sûr, et nous pouvons encore être fiers de l’humanité qu’elle défend. Force est toutefois de constater une libération nouvelle de la parole raciste qui pollue le débat public. La radicalisation du discours politique de quelques-uns contribue aussi à faire monter les antagonismes.
Monsieur le Premier ministre, vous qui êtes chargé de conduire les affaires du pays, qu’envisagez-vous pour faire reculer le racisme dans notre pays ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Monsieur le député, je m’entretenais au téléphone avec le député Bernard Reynèsà l’égard duquel vous venez d’exprimer la solidarité de la représentation nationale : il va de soi que tout le Gouvernement s’y associe, ainsi qu’à la solidarité manifestée à l’égard des autres personnes touchées.
Les propos que me tenait M. Reynès vont dans le sens de votre préoccupation : il y a une forme de libération de la parole. Dans son département et autour de sa commune de Châteaurenard, il évoquait la montée d’un climat de haine. Je l’interrogeais sur le coupable présumé de cette agression qui aurait pu lui coûter la vie : il ne savait naturellement pas si l’intéressé a une quelconque appartenance politique, mais il m’a dit – et cela doit tous nous faire réfléchir – que dans le climat de haine qu’il sent monter, n’importe quelle personne quelque peu fragile pourrait, comme cela s’est déjà passé en d’autres occasions au cours de notre histoire, être tentée de commettre un acte qui porte atteinte à la vie d’une Française ou d’un Français.
Cela, ce n’est pas la France ! Ce n’est pas la République ! Vous avez raison, c’est contre cela qu’il faut lutter ! Le Gouvernement a engagé un certain nombre d’actions contre le racisme et l’antisémitisme. S’il n’y a pas forcément une augmentation massive du nombre des actes, la libération de la parole, elle, est très importante.
Notre action commence par la formation des fonctionnaires, avec le programme que nous avons lancé dès 2012, mais aussi par l’école : avec le ministre de l’éducation nationale, Vincent Peillon, nous avons aussi lancé plusieurs programmes en ce sens. (Murmures sur les bancs du groupe UMP.) Mais notre action passe aussi par la lutte contre tous les propos racistes et antisémites qui sont proférés sur internet, pour laquelle le Gouvernement s’est donné les moyens nécessaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)Elle passe également par des procédures de justice : des mesures ont été prises par la garde des sceaux, Christiane Taubira, qui permettront désormais de porter plainte plus facilement et d’engager des procédures judiciaires pour ne rien laisser passer.
Au-delà, je voudrais dire devant la représentation nationale que nous devons appeler à un sursaut républicain. Je me félicite qu’à Angers comme à Nantes, des manifestations citoyennes aient été organisées le 11 novembre pour dire non aux propos racistes qui ont été tenus à l’égard de Mme Christiane Taubira (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR, Écolo et RRDP),comme ce fut notamment le cas à Angers où, dans un climat de haine, une jeune fille totalement inconsciente et accompagnée d’adultes, qui plus est, a brandi une banane devant la garde des sceaux ! Je vous demande de réagir, mesdames et messieurs les députés, et de ne rien laisser passer !
M. Philippe Meunier. Ça va ! Ça suffit !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Je vous demande de dire non et d’appeler partout au sursaut citoyen contre le racisme et l’antisémitisme ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR, Écolo et RRDP.)