Par Michel Fize, Délégué national du Mouvement Progressiste (MUP) à la Jeunesse.
Malgré les efforts louables et constants de l’actuel gouvernement avec les emplois d’avenir et les contrats de génération, la situation des jeunes en France demeure extrêmement préoccupante. Outre un chômage de masse qui touche environ le quart de la jeunesse active de ce pays, la précarité professionnelle est aujourd’hui le vécu quotidien de la plupart des moins de 25 ans. A cette précarité s’ajoute, comme un effet secondaire incontournable, une modestie de revenus qui entraîne un retard conséquent dans la prise d’autonomie. Ainsi n’est-il plus rare de voir aujourd’hui des jeunes de 28, 30 ans (voire plus) « immobilisés » chez leurs parents, faute de ressources suffisantes pour vivre seuls.
Aucune catégorie de jeunes n’échappe à présent à la menace d’exclusion ni au risque de la précarité d’existence. Longtemps protégés par une origine sociale « avantageuse », les étudiants dont les origines se sont diversifiées (même si l’on observe un recul significatif de la représentation des jeunes de milieux populaires dans l’enseignement supérieur) mènent désormais, au moins pour beaucoup d’entre eux, une vie compliquée. Grosso modo, la moitié doit travailler pour financer ses études, un tiers n’a pas l’argent nécessaire pour consulter un médecin ou prendre des médicaments. Et je n’évoquerai pas ici les problèmes de logement dont on sait la gravité.
A ces difficultés se greffe une dépréciation continue des titres scolaires. Le déclassement social, par rupture de la concordance entre niveau d’études et niveau d’emploi étant à présent « acquis » (et semblant irrémédiable), c’est maintenant l’accès à l’emploi lui-même qui est de plus en plus contrarié. Il ne sert à rien de répéter, comme l’a fait encore récemment l’Observatoire national de la Jeunesse, que les non-diplômés sont les plus pénalisés face à l’emploi (cette idée n’est pas neuve, et ne réussit qu’à scléroser le débat), le fait marquant est maintenant ailleurs : il est dans le glissement progressif des diplômés eux-mêmes sur la pente de l’exclusion (entre 7 à 10 % d’entre eux seraient aujourd’hui concernés), soit un doublement voire un triplement en vingt ans. Et il ne sert encore à rien de répéter qu’il y de « bons » et de « mauvais » diplômes (ce qui est certes vrai, mais pour combien de temps ?). Les jeunes diplômés, y compris ceux issus des Grandes Ecoles, ne sont plus à l’abri des difficultés d’insertion professionnelle (dans le meilleur des cas, celle-ci est retardée).
Nous gagnerions donc du temps à considérer avec courage que le diplôme, devenu boulimique avec la massification universitaire (il existe aujourd’hui plus de 4 000 diplômes nationaux), s’il reste protecteur, se fragilise de plus en plus. Les jeunes diplômés chômeurs se comptent aujourd’hui par millions de par le monde.
Plus encore qu’ailleurs, le diplôme est en France un leurre, une vaste escroquerie. Qui, de surcroît, n’évalue pas toujours les réelles compétences, ou toutes les compétences, des individus. Diplôme qui, enfin, pour l’employeur, n’est pas la valeur suprême, mais le simple préalable à… l’entretien d’embauche. Pour lui, le patron-souverain, face au jeune en quête d’un emploi, fut-il le premier, c’est d’abord l’expérience qui compte. Aucune offre désormais qui ne soit accompagnée de la mention : « expérience exigée ».
Alors, malgré les efforts tout aussi louables et constants des jeunes pour « s’en sortir », beaucoup perdent aujourd’hui patience ou confiance. Partout sur la planète, se lèvent, plus déterminés que jamais, des indignés, des révoltés, des révolutionnaires même, et ces derniers, à côté de leurs aînés, guère mieux lotis qu’eux, grondent contre cette misère accumulée, ces politiques impuissantes. Partout aussi, des « exilés volontaires », des jeunes quittant leur pays espérant meilleure fortune ailleurs.
Pour l’heure, et faisant un dernier détour par la France, nous pensons que la solidarité nationale doit continuer d’opérer. Et ce n’est pas faire preuve d’assistanat que d’aider les plus démunis par le versement de telle ou telle allocation pour les aider à vivre ou survivre : bourse d’étude, RSA… La plupart des gens, et des jeunes notamment, « ne le font pas exprès » de ne pas travailler. Ils aimeraient être comme les autres : des travailleurs, socialement reconnus. Comment donc, tandis que les portes de l’emploi sont largement fermées, dire à tous ces gens, à l’image de certains politiques, qu’ils se doivent impérativement de respecter la valeur-travail, d’admettre que le travail est un devoir ? Non, messieurs les politiques, le travail est un droit, et même un droit constitutionnel ; il est donc une obligation politique autant qu’une obligation économique.
Un conseil pour finir : n’accablons plus les « emplois aidés » qui seraient, a priori, des emplois « indignes ». En quoi de tels emplois, soutenus par l’Etat, seraient-ils des emplois inférieurs aux emplois d’entreprise – quand on sait que ces derniers sont très souvent des emplois précaires ? Pourquoi donc un contrat de 2 ou 3 ans offert par une association serait-il, par définition, un moins bon emploi qu’un emploi économique en CDD de six mois ? Ce n’est pas la nature de l’employeur qui importe mais la qualité du contrat, la durabilité de l’emploi. Ce sont les mécanismes de formation, les passerelles vers des activités professionnelles de « droit commun qui font souvent des « emplois aidés » de réels emplois d’avenir. Ce sont au contraire la précarité et l’absence de perspectives professionnelles qui font des emplois « marchands » des emplois en réalité défaillants.