A force de petits renoncements successifs notre identité s’est appauvrie.
Les élections municipales et européennes ont sanctionné la gauche au pouvoir. En deux ans, l’écart s’est creusé entre les engagements de la campagne présidentielle et la politique menée aujourd’hui.
Bien sûr, depuis mai 2012, nous avons réalisé des choses mais à force de petits renoncements successifs notre identité s’est appauvrie. Nos révoltes face à la détérioration de notre environnement et l’injustice sociale sont devenues bien trop raisonnables.
La crise, les marchés financiers, l’Europe libérale, les déficits… Tout cela, nous dit-on, s’impose à nous. Certes ! Mais alors ne pouvons-nous plus rien faire ? Sommes-nous devenus des experts comptables de la crise capitaliste ? La gauche n’aurait-elle plus d’idées ? C’est ce qui nous inquiète.
Depuis plusieurs années, la crise de l’offre politique s’aggrave. Les partis traditionnels ne réagissent pas. Devenus des écuries électorales, les grands partis se coupent des réalités quotidiennes. Ils semblent avoir pour seule vocation la conquête du pouvoir sans pour autant porter des projets de société singulièrement différents. Pendant ce temps-là, les populistes s’installent et notre peuple souffre.
Alors nous aussi, à gauche, regardons ce que nous sommes devenus. La faiblesse numérique de nos organisations politiques empêche l’expression de la diversité de la société dans nos rangs. Nos dirigeants sortent globalement du même moule et les liens entre les partis traditionnels et l’appareil d’état sont devenus si étroits qu’ils renforcent chaque jour la pensée unique. Conclusion : le débat d’idées, la confrontation conceptuelle et l’invention politique deviennent quasi impossibles en interne et entre partis. Le débat politique qui touche le quotidien des gens se fait en dehors de nous. La crise de la représentativité est là!
Les récents scrutins montrent à quel point nous nous sommes coupés d’une partie importante du peuple de gauche. Soumis à la technostructure et au chantage de la finance nous sommes comme tétanisés. La politique de notre majorité gouvernementale ressemble trop à celle des autres, elle manque d’inspiration. Nous agissons comme si une cage de verre enfermait toute innovation politique et économique. Et malheureusement la politique économique actuelle demeure dans ce carcan. La gauche au pouvoir doit proposer d’autres perspectives à notre peuple.
Pour notre part, nous préférons une politique de transformation sociale et énergétique qui place l’humain au cœur d’une économie plus sociale et solidaire plutôt qu’une politique d’austérité injuste et incertaine.
Il n’y a pas de fatalité à cette dérive libérale anxiogène pour les gens qui provoque le repli sur soi.
Nous voulons la réussite de notre majorité. Et c’est parce que nous savons bien que la droite et l’extrême droite sont en embuscade que nous appelons l’exécutif à entendre le malaise qui gronde dans sa majorité et à reprendre le chemin du changement. Nous appelons la gauche à se ressaisir, à transformer son mode de fonctionnement partidaire et à créer un nouvel espace visant à refonder la gauche.
Christophe Cavard, député Europe écologie – les Verts et Jean-Noël Carpentier, député du Mouvement unitaire progressiste, qui se sont abstenus lors du vote de confiance au gouvernement Valls.
Une tribune parue dans Libération du 31 mai 2014. Par Jean-Noël Carpentier, Député et Porte-parole du Mouvement Progressiste (MUP), et Christophe Cavard, Député Europe Ecologie Les Verts (EELV).