La création par décret de l’Etablisement Public d’Aménagement (EPA) en 2007 a permis de développer une concertation pour un projet urbain global d’aménagement des secteurs de la gare de Vitry-centre et des Ardoines sous l’impulsion initiale d’A. Audoubert maire de Vitry sur Seine, dans le cadre d’une Opération d’Intérêt National (OIN).
Ce choix d’une mutation de plus de 300 ha le long des berges de Seine reposait sur un bilan partagé concernant la désindustrialisation, la coupure de la continuité urbaine par les voies SNCF, le manque paradoxal de transports en commun, la présence de sites Seveso et de sources majeures de pollution péjorant la construction de logements pour une ville mixte. En rupture avec le concept obsolète d’un « territoire servant » de Paris intra muros, c’est D.Mangin Architecte-urbaniste qui a établi le plan masse initial tandis que l’ EPA a reçu la mission du pilotage stratégique de cette opération d’urbanisme, majeure à l’échelle de la Région.
Alors que les grues de plusieurs chantiers s’activent, les réunions de concertation avec les habitants permettent d’aller au-delà d’un bilan d’étape 2022, pour retrouver l’ambition initiale du projet et en corriger les faiblesses, car Il est encore temps pour bâtir de nouveaux quartiers attractifs à 10 minutes du cœur de Paris par les transports en commun qui verront le jour d’ici 2030.
La construction de logements
La forte demande régionale en logements est sans doute liée à un manque de volonté récurrent (Ministère du logement, Politique de la ville) pour une véritable décentralisation des activités en raison d’une polarisation au bénéfice principalement de l’Ile de France. A cela s’ajoute le constat de la vétusté de nombreux bâtiments notamment au regard du changement climatique, la faiblesse du nombre annuel de constructions en raison du coût du foncier et la ségrégation sociale pour répondre aux besoins (location et accès à la propriété).
A Vitry sur Seine, les réunions de concertation avec les habitants des quartiers concernés font encore apparaître des lacunes en 2022 qui peuvent cependant être corrigées avant que le quadrillage à l’américaine avec une disposition des batiments en « rateau »ne s’impose partout comme modèle urbain , à rebours du consensus des ambitions initiales exprimées par les habitants lors des réunions publiques. D.Mangin avait en effet préconisé une distribution en éventail pour qu’un maximum de logements profitent de la vue sur la courbure du méandre de la Seine. A cela, nous ajoutons que des retraits sont souvent nécessaires pour animer visuellement les rues. La présence d’espaces verts intégrés aux ilôts dans l’esprit d’une ville apaisée (abords des écoles, promenade le long de la Seine…) restent également souhaitable. La végétalisation proposée, a minima, relève ainsi plus du décorum d’une maquette en carton d’architecte que d’une prise de conscience des enjeux climatiques et de la biodiversité en ville. Ceci supposerait une réflexion botanique sur le choix des taxons (arbres et arbustes) les mieux à même de supporter le changement climatique ainsi que sur leur exposition par rapport au Soleil.
Si l’étalement urbain est bien écarté à ce stade du projet par des hauteurs convenables (rez de chaussée en parking en raison du risque inondation + 8 étages en moyenne) il conviendrait d’intégrer dans chaque secteur des espaces de convivialité (places arborées, aires de jeux pour les enfants, lieux culturels). Contrainte supplémentaire : le jeu optique grâce à l’épanelage devra respecter les vues sur la Seine, ce qui paraît improbable en cas de « front bati ».
A ce stade, la création d’ ilôts de fraicheur qui sont indispensables pour faire face à l’enjeu du réchauffement climatique global n’est pas prise en compte dans les fragments exposés du projet global. L’installation d’un unique point d’eau (fontaine?) dans le secteur Gare au Théatre illustre cette carence. De même, le choix de briques comme parement de façade doit tenir compte de leur inertie thermique selon la couleur choisie et ainsi de leur contribution à l’albedo nocturne (rétro-diffusion de la chaleur emmagasinée le jour qui contribue à la canicule). Une réflexion sur la ventilation naturelle interne aux batiments semble indispensable, en particulier pour la future résidence pour personnes âgées. Il paraît aussi souhaitable de prendre en considération la perception des habitants sur le bien vivre à tous les âges de la vie dans un environnement qui apparaitrait sans cela strictement minéral. Pour une ville inclusive, l’accessibilité de tous doit désormais être prise en compte et prioriser les circulations douces et transports en commun.
La Seine et ses méandres, le coteau qui domine, constituent un paysage aménagé qu’il faut conserver pour une appropriation collective.
Risques industriels et pollutions de l’air, de l’eau et des sols.
La situation à Vitry dans le secteur OIN concernant les différentes pollutions reste très préoccupante et doit motiver une vigilance permanente de la population. Depuis la création de l’OIN des progrès ont cependant été réalisés tels que l’abaissement du seuil de dangerosité d’entreprises Seveso (Stef) ou d’installations classées (Air Liquide) grace à une réduction drastique des stockages et utilisation à flux tendu des substances dangereuses.
Dans cette période, la plainte de J. Couthures en Préfecture de Créteil en tant que président de l’Association des riverains et maire-adjoint de Vitry a permis que les émissions de benzène (cancérigène à 1 ppm) à l’échappement libre (4000 tonnes/an) au droit des logements sociaux Gabriel Péri cessent. Sanofi a démantelé son installation, sur injonction préfectorale. Cependant, dans la même période, l’Etat n’a pas pris entièrement ses responsabilités en ne procédant pas au démantèlement des dépôts d’hydrocarbures voie tortue, le long des voies SNCF. Pour mémoire, il existe un document en Préfecture qui modélise environ 5000 morts dans le périmètre, en cas d’incendie de couche gazeuse des cuves suivie d’une explosion (« boil over »).
La « partie centrale » du projet d’OIN est constitué par le site EDF qui occupe 50 ha entre les deux ZAC. Nous insistons sur le fait que ce secteur est également impacté par une forte pollution dont EDF constitue la source directe. Il s’agit des suies de combustion dont le lessivage par les eaux de pluie a percolé au travers des couches géologiques reconnues par plusieurs sondages. Les métaux lourds du machefer entreposés directement sur le sol ont été également entraînés. Le Directeur régional d’EDF a précisé à J. Couthures que cette pollution atteignait – 65 mètres sous le niveau actuel du sol de la centrale, soit le niveau du calcaire de St Ouen du cycle Bartonien (série Eocène). Il s’agit du dépôt d’une transgression sableuse qui vient combler la zone de subsidence lagunaire. Une pollution diffuse de grande ampleur, par delà le site EDF, reste donc à cartographier avec rigueur afin de préciser les règles de constructibilité. Cette situation risque de péjorer le projet d’une ville mixte et de projeter dans un futur incertain les mesures drastiques et nécessaires de dépollution. Dans ces conditions, est-il encore envisageable d’implanter des crèches ou des jardins et de faire miroiter le mirage d’une ville « complète » ?. La démolition intégrale de la centrale nous semble impérative, assortie des mesures permettant de valoriser le site en conservant en partie le radier permettant l’implantation de nouvelles productions (ferme solaire ?, éoliennes?).
L’implantation des turbines à combustion (au gaz), utilisées pour répondre aux pics de consommation en électricité reste compatible avec un re-aménagement global du site. La conservation des deux cheminées semble constituer un repère dans le paysage, mais peut être n’est ce pas envisageable ?. Quelques éléments du patrimoine industriel (godets à charbon, broyeurs…) pourraient être valorisés pour la mémoire de cette histoire industrielle et jalonner la nouvelle voie traversante entre les ZAC que nous souhaitons.
En effet, la création d’un nouvel axe de circulation, Nord- Sud, permettrait de relier les périmètres opérationnels de la ZAC Seine gare au Nord et de la ZAC gare Ardoines au Sud. Il participerait directement au désenclavement des quartiers, facilitant la circulation du futur transport en site propre Tz dans la zone industrielle. D. Mangin avait localisé cette nouvelle rue au droit de l’ancienne centrale thermique EDF, à la place des tapis roulants pour amener le charbon. Cette réalisation supposerait de mordre sur le radier supportant le batiment principal. Elle conditionne ainsi pour nous la cohérence d’ensemble de l’OIN.
La centrale thermique EDF constitue toujours une verrue dans le paysage, après avoir pollué l’air de l’agglomération pendant près de 40 ans. Des images du satellite Landsat (CNES) révélaient pour la première fois en 1975 l’ampleur du panache. Cette centrale devait être démantelée il y a maintenant dix ans. La « re-nationalisation » d’EDF risque sérieusement d’impacter durablement le projet OIN.
Un projet d’incinération de bois de catégorie B (déchets industriels) et peut être de galettes séchées de boues séchées par l’entreprise Dalkia (filiale EDF) prendrait place sur le site, « sans précision à ce stade de réflexion » selon Mr Moulin , directeur de l’EPA (réunion publique du 5 décembre 2022) .
Décidemment, on désirerait transformer Vitry sur Seine en Zone à Défendre (ZAD) que l’on ne choisirait pas une autre option. Mais heureusement des recours au tribunal administratif restent possibles !.
Autre sujet d’actualité, le déplacement absurde des établissements Lussofer (ferrailleurs)face au nouveau collège Audin au « profit » d’un terrain (ex SNCF) dans le secteur Gare centrale. Au menu pour les riverains : un bruit permanent lié à la compression et au découpage des déchets métalliques, ainsi qu’une poussière fine qui saupoudre le voisinage. Au nom du chantage à l’emploi, étrangement coutumier à Vitry, le transfert d’un secteur à l’autre des pollutions induites éprouve la résistance des habitants face à ce fléau.
Nous nous félicitons par contre de l’avancée des travaux concernant le hub de la gare des Ardoines. Le tunnelier en activité déverse les matériaux directement dans des barges sur la Seine. C’est une bonne solution pour éviter une noria de camions. Cependant nous faisons remarquer que la ZAC Seine gare Nord nécessite d’être exhondée par une sur-élévation générale du secteur. La temporalité des aménagements ne permettait sans doute pas d’utiliser la ressource des roches excavées par le tunnelier. Pour être parfaitement résilient, ce projet majeur d’aménagement qui prend déjà en compte le risque inondation associé à une crue centenale, devra aussi désormais appréhender le réchauffement climatique afin de re-construire la ville dans la ville. Pour les habitants de Vitry , il faut renforcer les exigences environnementales auprès des partenaires opérateurs et commencer avec courage et détermination à exiger de la Mairie l’application des mesures existantes, par exemple « Zone Faible Emission pour la qualité de l’air ».
Jean Couthures, Porte-parole du Mouvement des Progressistes, Ancien maire adjoint de Vitry-sur-Seine