Note à l’intention des candidats aux élections municipales de Mars 2014.
Dans notre pays, où près de 10 millions de personnes vivent en situation de handicap, chacun comprendra que porter l’enjeu de l’accessibilité de nos villes et villages durant la campagne électorale des municipales est loin de constituer une « niche » secondaire. Car il s’agit non seulement, à partir de valeurs de progrès, de permettre au plus grand nombre d’accéder à une pleine citoyenneté, mais également d’améliorer le quotidien d’une grande partie de la population (personnes âgées, pères et mères se déplaçant avec poussettes, voyageurs avec valises…).
Par ailleurs, dans le dernier sondage Ifop réalisé pour le compte de la plus influente des associations intervenant dans le champ du handicap et la mieux implantée sur l’ensemble du territoire, l’Association des Paralysés de France (APF), 91% de la population française considère que l’accessibilité est un enjeu de société qui concerne tout le monde et sur lequel il convient d’investir.
Cette note de synthèse qui ne se veut pas exhaustive se fonde notamment sur les auditions réalisées par le Mouvement Progressiste (MUP) depuis le printemps dernier auprès des principales associations du champ du handicap au plan local et/ou national ainsi qu’avec leurs professionnels (APF, Apajh, Unapei, ARI…).
Si le respect de la loi de février 2005, notamment sur une France accessible au 1e janvier 2015, demeure un enjeu national, il n’en demeure pas moins vrai que la mise en accessibilité d’une ville – transports, bâtiments municipaux, équipement recevant du public ( y compris cabinets médicaux, pharmacies, commerces de proximité) – peut dépendre d’une volonté politique plus ou moins affirmée. Et la campagne municipale est le lieu où de tels débats peuvent s’organiser et des engagements pris.
Bien sûr, la baisse des dotations publiques pour les collectivités locales peut peser lourd à l’heure des choix, mais il faut avoir en tête que les personnes en situation de handicap sont déjà souvent plus vulnérables, en particulier sur le plan économique, et imposent des politiques publiques adaptées et solidaires.
Il faut aussi avoir en mémoire que le retard désastreux sur la mise en oeuvre de la loi de 2005 en matière d’accessibilité vient pour l’essentiel de l’absence de volonté politique de l’équipe Sarkozy-Fillon. En effet, juste avant la présidentielle de 2012, 15% seulement des bâtiments recevant du public étaient accessibles alors que la loi avait déjà 7 ans ! L’actuelle ministre déléguée en charge des personnes en situation de handicap, Marie-Arlette Carlotti, peu après sa nomination, avait d’ailleurs révélé un rapport tenu soigneusement secret par l’ancien exécutif (qui l’avait pourtant commandé) car accablant sur ses propres responsabilités.
Et le dernier Comité interministériel du handicap a certes pris en compte l’état des lieux actuel mais n’a cependant pas tiré un trait sur la nécessité de parvenir à une France globalement accessible en 2015 (et cela, même si des priorités d’aménagements peuvent être dégagées localement avec les acteurs locaux).
Voici donc quelques pistes à porter durant la campagne sur l’accessibilité :
1) Places de parking réservées : trop de villes en disposent en nombre insuffisant, mal réparties ou de dimensions insuffisantes pour permettre une sortie des fauteuils par l’arrière des véhicules adaptés, individuels ou collectifs. En outre, certaines villes intègrent dans les chiffres publiés les places du domaine privé (centre commerciaux, voire même résidence immobilière avec voirie privative !). Enfin, quand la, police municipale existe, il convient qu’elle soit formée à détecter les cartes officielles pour ce stationnement réservé des autres cartes sans valeur légale qui pullulent parfois. Pour mémoire, dans une ville comme Marseille, à partir du constat dressé par les associations, la ministre en charge des personnes en situation de handicap a déclaré qu’il serait nécessaire de doubler le nombre de places réservées.
2) Bâtiments publics : Ce paragraphe est au coeur de la loi de 2005 et de ses obligations qu’il convient de faire respecter. Et si des difficultés perdurent (retard des équipes précédentes, difficultés marginales architecturales majeures dans bâtiments classés…), il convient cependant d’engager la bataille volontaire, y compris avec l’Etat, pour obtenir des aides nécessaires. Mais, sans faiblesses pour autant, un plan pluriannuel doit être engagé sans délai.
3) Transports collectifs : trop de villes ne disposent pas de bus, tram, métro encore pleinement accessibles : absence de véhicules adaptés, absence de trottoir à la hauteur de ces derniers ou d’ascenseur pour y accéder. Et pourtant, avec les associations et leurs commissions locales de l’accessibilité, des villes ont démontré que les progrès en matière d’accessibilité, s’ils profitent bien sûr aux personnes en situation de handicap, concernent plus largement l’ensemble de la population. Par exemple, à Grenoble, la municipalité a commandé, pour le remplacement progressif des rames de tram de 1e génération, des rames disposant de portes plus larges facilitant l’entrée et la sortie des personnes en fauteuil roulant. Résultat, après quelques mois, l’entreprise en charge des transports sur cette vile a constaté une fluidité plus importante de TOUS les voyageurs lors des montées et descentes aux heures de pointe et donc une vitesse commerciale du tram accrue (d’où des économies de gestion et une réponse plus pertinente aux attentes des usagers). A noter que la communauté urbaine de Bordeaux s’engage sur le même projet.
4) Aménagements urbains : encore une fois, trop de villes ne disposent pas de trottoirs adaptés à la circulation en fauteuil ( et aussi aux poussettes…). Mais, plus grave, malgré la loi de 2005, des travaux de voirie ont parfois été réalisés sans profiter de l’aubaine pour réaliser de tels aménagements liés à accessibilité. Il convient donc de veiller, avec les associations et la commission locale d’accessibilité (cette dernière ne devant pas se réunir seulement de façon symbolique mais régulièrement) non seulement à ce que tous les travaux engagés débouchent désormais sur une meilleure accessibilité mais aussi à la mise en place d’un plan pluriannuel afin de rattraper les éventuels retards. Et lors de tout travaux sur la voirie, il convient de défendre l’idée que les cahiers des charges imposent aux entreprises la mise en oeuvre d’un parcours de substitution sécurisé adapté aux passages des fauteuils roulants.
5) Commission locale de l’accessibilité : prévue par la loi de 2005 pour les communes de 5000 habitants et plus, rien n’interdit une mise en place volontaire dans les communes plus petites, avec les représentants des usagers et d’associations de personnes en situation de handicap.