Le sénateur du Val d’Oise et président du Mouvement des progressistes était à Lyon ce samedi pour promouvoir son livre « Laissez la place ! » Selon le président du parti communiste français entre 2001 et 2003, les appareils des partis politiques actuels ne permettent plus le changement espéré par les Français. Entretien.
Lyon Capitale : Vous faites actuellement une libraire par jour à travers la France pour promouvoir votre livre, quel a été l’accueil à Lyon ?
Robert Hue : Ça a été très intéressant, un jeune m’a interrogé et il avait bien préparé son sujet. Cela m’a permis d’expliquer le sens de la publication de ce livre. Dans cette crise politique, à Lyon comme ailleurs, les gens sont à la recherche de solutions. Ils n’ont pas le sentiment qu’avec le peu de renouvellement des appareils politiques français ils vont avoir un vrai changement à terme. Ils craignent absolument que l’on prenne les mêmes pour recommencer. Ma démarche est diamétralement différente et opposée à celle-là.
Vous avez été secrétaire du parti communiste français dès 1994 et vous n’avez jamais quitté la politique depuis. Vous voyez un renouvellement avec le candidat que votre mouvement présente pour l’élection présidentielle de 2017 ?
Sébastien Nadot est quelqu’un de très différent des gens issus des appareils politiques, comme c’est le cas en ce moment à bien des égards. Je dis souvent que c’est le candidat de la « vraie vie ». Il est professeur d’éducation physique et sportive et docteur en Histoire. Il a la quarantaine et il est venu au Mouvement des Progressistes il y a trois ans. Il n’a jamais appartenu à un parti politique traditionnel ou même à un parti tout court. C’est un homme de gauche, mais il est issu de la société civile. Moi qui suis issu des anciens partis, je dis aujourd’hui qu’il faut laisser la place aux idées neuves et à de nouvelles structures de la vie politique. On s’appuie sur une dynamique nouvelle et très horizontale. Ce n’est pas un livre qui est fait pour que je me mette en avant. J’ai été deux fois candidat à l’élection présidentielle, j’ai dirigé un grand parti, mais aujourd’hui, il faut vraiment faire les choses différemment. Pour le moment, tous ceux qui sont candidats ne sont pas des gens qui renouvellent l’appareil proposé aux français. Prenez par exemple Bruno Lemaire, il se réclame du renouveau alors qu’il a été ministre sous Chirac et qu’il sort de l’ENA. On a besoin d’un renouvellement profond.
« À l’époque où je suis rentré en politique, on y rentrait comme on entre en religion. »
Vous soulignez le rejet des français des politiques traditionnels issus de l’ENA et appartenant souvent aux mêmes promotions. Selon vous, faire de la politique ne s’apprend pas ?
Les gens ont envie de politique, contrairement à ce que l’on pense. Le journal La Croix a publié un sondage qui montre que 69 % des français ont envie de politique, mais pas de celle telle qu’elle est aujourd’hui, issue des appareils. Sébastien Nadot est le candidat qui lutte contre la professionnalisation de la vie politique. Il n’imagine pas un seul instant pouvoir être dans l’action politique sans être au cœur de la vraie vie. Je crois que c’est l’avenir. De plus en plus de démocratie dans le monde s’inspire d’une démarche comme celle-là. Mon rôle est d’appuyer au maximum la démarche de Sébastien Nadot, de dire que je m’applique à moi-même ce que j’explique dans le livre, c’est à dire que je laisse la place. Mon mandat de sénateur se termine dans 15 mois, je le termine par respect pour mes électeurs, mais je ne renouvellerai pas ce mandat. Je crois qu’il faut qu’on accepte l’idée qu’une nouvelle génération doit pointer. J’ai été élu maire à 29 ans et j’étais issu du monde du travail. Si on ne m’avait pas fait confiance à l’époque, je n’aurai jamais pu un jour pouvoir occuper tous les postes que j’ai occupés au plus haut niveau des institutions de l’État.
Vous préférez la notion de « mouvement » à celle de « parti ». Vous proposez de soutenir une action ou une personne, plutôt qu’une ligne idéologique. Pensez-vous qu’il est aujourd’hui impossible pour les électeurs d’adhérer à l’ensemble d’une ligne politique et qu’il est préférable de piocher parmi les idées qui leur correspondent et les personnalités qui leur inspirent confiance ?
C’est la vie ! Je dis parfois en riant qu’à l’époque où je suis rentré en politique, on y rentrait comme on entre en religion. C’est fini cela. Aujourd’hui, les gens sont prêts à s’engager politiquement, mais à une condition, c’est qu’il puisse avoir leur liberté sur tel ou tel aspect de grandes questions politiques. Dans notre mouvement, on n’accepte pas l’idée d’être d’accord sur tout. J’ai connu ça dans d’autres circonstances, mais c’est justement le contraire aujourd’hui. Et puis, il y a un nouveau rapport entre le collectif et l’individu. Auparavant, on voyait dans le collectif une possibilité d’apporter des réponses à tout. Aujourd’hui, si l’on veut que l’engagement politique soit constructif, il faut accepter l’idée d’une parcelle importante, voir majeure de l’individu dans la démarche politique.
Un article de Mathilde Régis publié le 18 juin 2016 dans Lyon Capitale