Depuis les zoos humains de l’exposition coloniale internationale de Paris en 1931, il serait admis que des êtres puissent valider leur place intermédiaire entre l’humanité et le monde simiesque, donc leur infériorité supposée. Emblématique, la « vénus hottentote » était une femme enlevée en Afrique du sud, puis exhibée au public en raison de son hypertrophie des hanches et des fesses, de ses organes sexuels protubérants. Suite à son décès (Paris, 1815) elle a été présentée dans les collections anthropologiques (moulage) par Saint Hilaire et Cuvier, initiateurs du racisme « scientifique ». Il faudra attendre 2002 pour que sa dépouille soit restituée au peuple Griqua, symbôle de la dignité retrouvée d’un peuple, soit 8 ans après la fin de l’Apartheid.
« Quoique les nègres aient peu d’esprit, ils ne laissent pas d’avoir beaucoup de sentiments…(G.Buffon, 1886). Miam Miam,Y’a bon (1930)…
Avec les « décolonisations » successives qui se résument à la mise sous tutelle de gouvernements fantoches par la France, le pillage instrumentalisé des ressources naturelles : plantations (cacao, huile de palme…), bois durs de charpente, minerais et terres rares, par de grands groupes industriels ramifiés permet de maintenir l’illusion de la « grandeur de la France dans le Monde » dans la perspective de la suprématie éternelle d’un empire. La corruption des états obère alors toute possibilité de développement au profit des populations dans les domaines vitaux de l’éducation et de la santé. Cette corruption gangrène aussi les relations sociales à la faveur d’un découpage territorial initial et de frontières incertaines déterminées par l’armée française. Cette partition ne tient pas compte des cultures ou des langues et constitue le terreau ultérieur de conflits ethniques.
Dans ce contexte, les intrigues de J. Foccart sous de Gaulle puis Pompidou iront jusqu’à l’organisation de coups d’état, le recours aux mercenaires (Bob Denard au Congo, aux Comores…), puis l’élimination des opposants politiques et figures de l’indépendance (Lumumba au Congo, Sankara au Burkina Fasso…) avec peut-être pas une ingérence directe mais au moins une complicité tacite et active de barbouzes qui repose alors sur des réseaux extra-diplomatiques. Ce syndrome reflète le plein développement de la Francafrique néocoloniale. Sous Giscard, « mon cousin » dixit Bokassa « empereur » de Centre Afrique, ordre est donné de rendre plus présentable la « façade » des échanges économiques tandis que l’extension des bases militaires se poursuit. L’affaire des diamants, viendra alors ternir le bilan.
Avec les années Mitterrand, comme attendu, les relations malsaines continuent à prospérer grâce aux conseillers Afrique successifs de la cellule de l’Elysée qui occultent les relations bilatérales normales sous l’égide du ministère des Affaires étrangères. Le Gabon puis le Niger feront l’objet d’exploitations intenses pour l’extraction et l’enrichissement d’uranium dont la Cogéma est avide pour nos centrales nucléaires. Nous savons désormais qu’il s’agit d’un écocide en raison des contaminations et de la destruction des écosystèmes.
Pour conforter le racisme ordinaire qui perdure, il convient aussi de figer les témoins de la culture matérielle et plus encore de « l’art primitif » découvert par les Surréalistes, dans un musée. Cela sera chose faite avec le musée du quai Branly, sous l’impulsion du président Jacques Chirac, sans que le rapport à l’histoire africaine soit posé, sans recul par rapport à l’ethnocentrisme et au simple cumul d’objets hors de tout contexte. La restitution de statues de Behanzin, roi du Dahomey au Bénin, par le quai Branly constitue un premier pas vers la reconnaissance du patrimoine de l’humanité, inaliénable. Saluons sans réserve, pour une fois, cette décision du président Macron qu’il faut désormais étendre à d’autres collections.
Nicolas Sarkozy proclame que « le défi de l’Afrique c’est d’entrer davantage dans l’histoire » (Dakar, 2012). En réalité, sait-il combien de sociétés africaines ont exercé leur rayonnement et échangé avec les autres cultures depuis vingt mille ans ?
Avec François Hollande qui n’est pas un belliciste, une résonance légitime aux terribles attentats que notre pays a subis s’organise sur le sol africain. L’opération éclair Barkane frappe un grand coup sur les islamistes radicaux, permettant notamment de libérer Tombouctou sous leur emprise. Mais cette victoire laisse un goût amer, comment prétendre surveiller et agir sur un territoire sahélien grand comme l’Europe avec seulement 5000 hommes ? La grande misère des agriculteurs mais aussi des pasteurs nomades ne tarde pas à provoquer au Mali un ressentiment contre la France qui a négligé l’aspect du développement, de l’absence d’administration et de services publics dans les régions, par-delà la dimension sécuritaire. Désormais, chaque village est suspect de complicité, chaque cultivateur enrolé de force peut poser des mines artisanales le long des sentiers ou devenir un informateur, de chaque côté.
L’expulsion de notre ambassadeur au Mali est donc légitime, même dictée par une junte portée au pouvoir par un coup d’état. Il faut cesser d’infantiliser, d’humilier, d’inculquer un complexe d’infériorité comme l’a si bien exprimé F. Fanon dans « Peau noire, masques blancs ». L’opération Takuba à l’initiative de Macron vise à suppléer notre incapacité à tenir seul sur le terrain en sollicitant l’envoi de soldats européens et maintenir le renseignement américain aérien sur les déplacements. Le moins que l’on puisse dire c’est que cela ne déclenche pas l’enthousiasme chez nos partenaires d’intervenir en Afrique, avec quel mandat ? A contrario, cela pourrait repousser un peu plus la perspective d’une défense européenne.
A l’aune de la présente campagne électorale en France, le racisme reste un problème d’avenir.
Je remercie notre député, Sébastien Nadot, de ses interventions fortes sur ces questions au Parlement, je termine par une note de légèreté : « Regardes Boule de neige, c’est M. Le Drian qui retourne en France dans son grand bateau » (adapté de Tintin au Congo, Hergé)…
Jean COUTHURES, Porte-parole national du Mouvement des Progressistes