Communiqué du Mouvement Unitaire Progressiste suite à l’entretien de Robert HUE et Jean-Noël CARPENTIER avec le Président de la République sur les conclusions de la Commission Jospin.
Un préalable domine les conclusions de la Commission Jospin et impacte ses préconisations : celui de maintenir et privilégier la nature présidentielle du régime. Le MUP continue d’exprimer ses profondes réserves vis-à-vis d’un choix désormais majeur de la Vème République.
Cet a priori n’amène cependant pas le MUP à considérer qu’il n’y aurait pas de progrès possible dans le cadre constitutionnel actuel. C’est pourquoi nous considérons positive la consultation engagée.
La crise de confiance de nos concitoyens à l’égard de la politique est réelle : sentiment d’éloignement entre les citoyens et leurs représentants, crise de la représentativité, professionnalisation du monde politique ; il est ainsi urgent et nécessaire de contribuer à redonner du sens à l’engagement civique et à la représentativité politique au cœur de nos institutions.
Vivre et agir au pays des droits de l’homme et de ses acquis démocratiques a sans doute empêché de mesurer l’ampleur des décalages existants entre la société française en pleine mutation et son système institutionnel. Aujourd’hui il y a urgence à y remédier.
Cet objectif passe notamment par la revalorisation du rôle du Parlement, et l’expression d’un réel pluralisme politique. Cela malgré la tentation à favoriser un bipartisme mutilant la diversité.
Pour y parvenir, il nous semble indispensable de donner la primauté à l’élaboration d’un statut de l’élu. A contrario des conclusions de la Commission, il eut été souhaitable que cette dernière se positionne quant au contenu et aux moyens qu’il convient de donner à ce statut de l’élu. Nous regrettons d’autant plus cette décision que la lettre de mission du Président de la République permettait tout à fait à la Commission de faire de cette question un élément essentiel de l’ambition affichée. Le Mouvement Unitaire Progressiste considère que la mise en œuvre d’un statut de l’élu permettrait d’une part de contrecarrer une tendance à la sous-représentation de certaines catégories sociales et d’autre part de rompre avec la tendance à l’accentuation d’une certaine professionnalisation de l’engagement politique et électif.
Les propositions du MUP remises au Président de la République ont pour ambition de rappeler que la rénovation de la vie publique impose de mener concomitamment le débat sur les conditions d’exercice du mandat de parlementaire aux conditions d’exercice des mandats locaux et territoriaux qui représentent 95% de l’engagement public. L’absence de préconisations allant en ce sens nous apparaît inquiétante et nous oblige à rappeler que l’existence des élus locaux est une des richesses de notre système démocratique. Et que par ailleurs le fait communal demeure incontournable.
Pour le MUP l’élaboration d’un statut national de l’élu est une nécessité, dont le coût, doit être considéré comme un investissement d’avenir.
I – Une élection présidentielle modernisée
Bien que le MUP ne soit pas favorable à un régime présidentiel, il souhaite donner son avis sur quelques propositions émises par la Commission en ce domaine.
Tout d’abord, le dépassement du dispositif actuel de parrainage des candidats est une bonne chose. Le MUP se réjouit de la proposition d’instauration d’un parrainage citoyen. Le nombre de parrainages retenu semble par ailleurs plutôt équilibré.
Les propositions visant à revoir les modalités de calcul du remboursement public et les règles d’accès aux médias audiovisuels nous semblent aller dans le sens d’une plus grande justice. Le MUP y est favorable. Il considère comme des avancées les propositions d’accès à la candidature.
La préconisation de fermer les bureaux de vote à 20h nous paraît positive afin d’empêcher la diffusion prématurée des résultats.
Quant au calendrier électoral. Le MUP souhaite d’abord souligner que l’inversion du calendrier électoral a renforcé le présidentialisme au détriment de la place centrale que devrait occuper le Parlement. Au-delà le débat sur la prédominance de l’élection présidentielle, l’avancement de sa tenue dans l’année est de bon sens.
II – Un Parlement plus représentatif
La crise de la politique est aussi une crise de la représentativité de nos institutions et au premier chef du Parlement. A ce titre, l’instauration d’une part de proportionnelle pour l’élection des députés est une proposition positive mais qui ne saurait être suffisante dans le schéma proposé.
· L’élection de 20% des députés au scrutin proportionnel semble pour le MUP un minimum afin d’assurer une représentation de la diversité politique. Par ailleurs, en maintenant le scrutin majoritaire à deux tours pour 80% des députés, le risque de blocage évoqué par la Commission semble écarté.
· Outre la garantie d’une meilleure représentation de l’offre politique du pays, le scrutin proportionnel dans une circonscription nationale donne son sens au principe constitutionnel selon lequel le parlementaire est un élu de la nation et non un « super conseiller général » dans lequel le scrutin majoritaire par circonscription semble aujourd’hui l’enfermer.
· Toujours dans la droite ligne de l’amélioration de la représentativité du Parlement, les conclusions de la Commission concernant le Sénat prennent légitimement en compte l’évolution de l’importance dont jouissent les différentes collectivités territoriales et la place écrasante laissée au scrutin majoritaire. Aussi le MUP soutient les propositions de la Commission en faveur d’une réforme de la composition du collège électoral sénatorial et du recours plus fréquent au scrutin proportionnel.
La Commission évoque l’arrivée de nouvelles forces dans le paysage politique. Il est évident que la domination de la vie politique française par deux grandes forces est un obstacle à l’existence et à l’émergence de formations plus modestes. Les modes de scrutins, d’élections et la tentation du bipartisme en sont des vecteurs essentiels mais la demande de pluralisme et de respect des diversités demeure.
En ce sens, le retour à une seule circonscription nationale pour les élections européennes peut être un facteur d’élargissement du pluralisme.
III – Sur le cumul des mandats
Le MUP est a priori favorable au principe de non-cumul des mandats. Toutefois la proposition à ce sujet risque de transformer le parlementaire en un mandat « hors sol » d’autant plus soumis à la professionnalisation qu’il n’est pas accompagné d’un statut ; renforçant ainsi davantage encore une Assemblée Nationale composée de professions libérales, de chefs d’entreprises, de fonctionnaires et de notables et permanents politiques.
Aussi dans l’attente de la mise en place du statut de l’élu, le MUP est favorable à l’encadrement des mandats et propose que pas plus de deux mandats puissent être exercés par la même personne et qu’aucune fonction de Président de structure « parapublique » ne puisse être exercée par un maire ou président d’intercommunalité par ailleurs parlementaire. Dans ce cas de figure il convient de limiter l’indemnité à la seule indemnité de parlementaire.
· C’est pourquoi, le MUP souhaite également attirer l’attention du Président de la République et du gouvernement sur une autre réalité, celle du cumul des mandats locaux et territoriaux et des fonctions « chronophages » pouvant y être attachées, ainsi que du cumul dans la durée des mandats et s’étonner que cela ne fasse l’objet d’aucune proposition de la Commission comme si celle-ci semblait souhaiter faire porter la rénovation sur les seuls parlementaires.
· Le MUP souhaite profiter de ce moment pour rappeler au Président de la République et au gouvernement que permettre le vote des ressortissants étrangers aux élections municipales demeure un gage de démocratie, d’intégration à la vie publique et de modernisation de la vie politique.
IV – Sur le statut juridictionnel de chef de l’Etat, des ministres
Le MUP considère les propositions de la Commission comme équilibrées. Elles doivent permettre de garantir l’égalité de tous les citoyens et donc du Président de la République devant la loi, tout en lui assurant une protection lui permettant d’assumer ses prérogatives institutionnelles.
Le MUP rappelle qu’il se prononce également pour la suppression de la Cour de justice de la République.
V – Sur la prévention des conflits d’intérêts
La crise de confiance de nos concitoyens envers le monde politique provient aussi des liens qu’entretiennent certains détenteurs de mandats électifs avec une autre activité rémunérée ou non. Il est par conséquent nécessaire de donner un fondement textuel au conflit d’intérêt en le définissant clairement. La définition retenue nous semble appropriée.
Le recours aux déclarations d’intérêts et l’élargissement du régime des incompatibilités tant pour les élus que pour les collaborateurs de cabinets nous semblent aller dans le bon sens.
Le MUP soutient en particulier l’incompatibilité entre le mandat parlementaire et la direction d’entreprises privées, comme c’est le cas aujourd’hui.
S’agissant du Conseil constitutionnel, le MUP soutient la proposition visant à ce que les anciens Présidents de la République n’en soient plus membres de droit.
En conclusion
Si le Mouvement Unitaire Progressiste se félicite de la consultation engagée, il considère que des pistes de réflexions supplémentaires sont à examiner et à approfondir. Elles doivent avoir pour but de :
– Permettre la diversité et l’expression du pluralisme politique localement, territorialement et nationalement,
– D’encadrer l’exercice de l’ensemble des mandats électifs sans le restreindre comme le fait la Commission Jospin aux mandats des parlementaires,
– D’assurer la protection des personnes s’engageant dans la vie publique,
– De permettre à toutes les catégories sociales d’investir la vie publique.